Startups : maîtrisez les actions de préférence
Les actions de préférence sont des actions qu’il est possible d’émettre uniquement dans les sociétés par actions, (SAS, SA et SCA). Ces actions de préférence sont attribuées à des actionnaires afin de leur permettre de bénéficier de “droits particuliers” c'est-à-dire de prérogatives spécifiques.
A l'inverse des actions ordinaires, où les associés reçoivent un nombre d'actions proportionnel à leurs apports, leur octroyant un droit de vote simple (1 action = 1 voix) et un droit au dividende classique, l'action de préférence permet à l'associé qui la détient d’obtenir potentiellement :
- des droits politiques : droit de vote supprimé, double ou multiple
- des droits financiers : droit à des dividendes prioritaire, superdividende
- des droits de gouvernance : droit d’information supplémentaire
- des droits au rachat : droit prioritaire en cas de faillite.
Ce type d'actions est particulièrement utilisé par les start-ups lors des opérations de levées de fonds, afin de distinguer les droits des associés fondateurs et les droits des investisseurs.
La mise en place des actions de préférence
Les actions de préférence peuvent être mises en place à la constitution de la société ou bien en cours de développement de la société.
- Lorsque les actions de préférence sont émises au moment de la constitution de la société : leurs modalités vont figurer dans les statuts de la société et un rapport sur les avantages particuliers accordés par ces actions est effectué par un commissaire aux apports. La loi PACTE du 22 mai 2019 dispense les associés d’une SAS de faire évaluer les avantages conférés par les actions de préférence.
- Lorsque les actions de préférence sont émises en cours de vie de la société (conversion des actions ordinaires en actions de préférence):
1. un rapport des dirigeants ainsi qu’un rapport du commissaire aux apports sur les avantages particuliers devront être rédigés ;
2. une décision des actionnaires réunis en assemblée générale extraordinaire (AGE) sera nécessaire. Le ou les actionnaires bénéficiaires des actions de préférence ne peuvent pas prendre part au vote ;
3. les statuts devront être mis à jour pour décrire les avantages particuliers et indiquer l’identité des bénéficiaires de ces avantages.
Bon à savoir : en pratique, les droits attachés aux actions de préférence sont complétés et précisés dans un pacte d'actionnaires, ce qui permet de garantir la confidentialité et l'efficacité des opérations.
Les droits politiques : droit de vote double ou multiple
Il est possible de prévoir que les actions de préférence confèrent un droit de vote double voire multiple à l’actionnaire. Avec l'obtention d’un droit de vote renforcé, l'actionnaire titulaire possédera une plus grande part dans la prise de décision. Cet exercice du droit de vote double peut être prévu pour toutes décisions ou uniquement pour certaines décisions.
Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, les SA et SCA non cotées (en plus seulement les SAS) peuvent émettre des actions de préférence à droit de vote multiple et plus seulement à droit de vote double.
Il faut toutefois émettre une réserve puisque l'action de préférence ne confère pas toujours un avantage pour son détenteur. En effet, il peut être créé des actions de préférence sans droit de vote, à titre temporaire ou permanent. Les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social.
À noter: si un actionnaire est titulaire d'actions ordinaires et d'actions de préférence sans droit de vote, il conservera malgré tout son vote attaché à son action ordinaire, par ailleurs s’il ne possède pas d’actions ayant le droit de vote, il doit quand même pouvoir participer à l’assemblée, sans voter.
Les droits financiers : dividende prioritaire ou majoré
Les actions de préférence pourront prévoir un droit au dividende majoré ou encore prioritaire. Les actions de préférence permettent donc de dissocier le pourcentage de participation au capital social et le pourcentage d’intéressement aux bénéfices de la société. Ce droit majoré peut être fixe, ou évoluer en fonction de la durée de détention ou encore du montant des bénéfices réalisés.
Par exemple, un actionnaire détenant 30% du capital pourra avoir droit à 45% des dividendes (dividende majoré) ou encore de se voir verser un dividende sur les bénéfices prioritairement aux autres associés (dividende prioritaire), les autres actions auront droit à un dividende uniquement sur le solde du bénéfice distribuable après imputation du dividende prioritaire.
Plusieurs options sont possibles, néanmoins la créativité des droits financiers accordés ou non par les actions de préférence doivent respecter
- l’interdiction des pactes léonins (priver un actionnaire de tout droit au bénéfice ou en attribuer la totalité)
- l’interdiction de distribuer des dividendes fictifs (distribuer des dividendes en l’absence de bénéfice distribuable)
- l’interdiction de prévoir une clause d’intérêts fixe
Les droits de gouvernance
Il est courant de prévoir des droits relatifs à la gouvernance de la société pour le titulaire d’une action de préférence : un siège de représentant au Board, un droit d’information renforcé, ou encore un droit de veto. Ainsi, pour le droit de veto, par exemple, il sera prévu dans le pacte d’actionnaires qu’un certain nombre de décisions importantes pour la société, limitativement énumérées, requièrent le vote favorable de l’actionnaire détenant l’action de préférence sans pour autant avoir une majorité requise en terme d’actions.
L’idée étant de protéger son titulaire contre une altération de son patrimoine, les décisions généralement concernées par le droit de veto sont : une modifications du capital social, une fusions, scissions et apports partiels d'actifs,transformation de la société, la dissolution et liquidation de la société, des engagements financiers d'un montant supérieur à un certain montant ou encore une distribution de dividendes ou de réserves.
Le droit de veto peut être institué par voie statutaire, par l’attribution d’actions de préférence (en SAS) ou plus fréquemment au sein des pactes d’associés.
À savoir : dans les SAS, si le droit de veto figure au sein des statuts, son efficacité sera renforcée, les décisions pouvant être annulées si elles ont été prises en violation d’une disposition statutaire
Le droit au rachat des actions de préférence
Auparavant, le rachat des actions de préférence n’était possible qu’à l'initiative de la société. Depuis la loi Pacte, dans les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent déterminer avant souscription, que le rachat peut avoir lieu:
- à l’initiative exclusive de la société
- à l’initiative conjointe de la société et du détenteur
- à l’initiative exclusive du détenteur
Les modalités du rachat doivent être prévues préalablement à la souscription et mentionnées dans les statuts de la société émettrice. Cette mesure est destinée à permettre aux investisseurs de négocier avec les sociétés les conditions de rachat de leurs titres au moment de leur entrée au capital et de favoriser la liquidité de leur participation.
En cas de succès de la société et lorsque sa trésorerie le permet, le rachat des actions de préférence peut permettre aux fonds de capital-risque de demander le rachat de leurs actions par la société (qui les annulera ensuite) afin de percevoir une quote-part des bénéfices réalisés plutôt que de trouver un acquéreur pour leur participation.
Toutefois, il faudra prévoir en pratique que l’exercice de cette option de rachat soit conditionnée afin de ne pas mettre en péril la société qui rachèterait les actions alors qu’elle n’aurait pas la trésorerie suffisante.
En conclusion, les actions de préférence permettent d’établir des règles de fonctionnement des sociétés et d’octroyer des droits qui ne sont pas accordés par la loi aux actionnaires pour correspondre au plus près de la réalité et des besoins des sociétés et des investisseurs.